Le CESU ne simplifie pas toujours la vie... (12/02/2018)

CESU.pngLe site du CESU a fait peau neuve en octobre 2017. Ce changement, présenté comme une bonne nouvelle, présente finalement un bilan nuancé...

Si de nouvelles fonctionnalités attendues depuis plusieurs années ont été ajoutées, certaines sont toujours manquantes. Si l'on trouve davantage d'informations juridiques sur la relation de travail, elles sont parfois erronées.

Mais surtout, le site empêche désormais toute déclaration supérieure à 200h normales : au-delà, le CESU oblige à déclarer des heures supplémentaires majorées de 25% à 50%. Cette pratique contestable génère un surcoût injustifié pour les particuliers employeurs (PE).

Nous avons interrogé le CESU qui nous a fourni une réponse surprenante...

Voyons les détails de cette affaire.

 

Nouveau site, nouvelle pratique, nouveau problème

Depuis octobre 2017, le site du CESU ne permet pas de déclarer plus de 200h non majorées par période et par salarié, ce qui engendre des frais supplémentaires pour les PE (heures supplémentaires majorées). Pourtant, on peut légalement déclarer plus de 200h mensuelles non majorées quand :

- Le PE a opté pour la récupération des heures supplémentaires.
Par conséquent, les heures supplémentaires sont rémunérées à taux normal et la majoration est payée sous forme d'heures de repos rémunérées.

- Le PE fait une régularisation de salaire.
Ainsi, il va déclarer un volume d'heures rémunérées supérieur au volume d'heures effectivement travaillées durant le mois.

- Le PE déclare des heures de présence de nuit.
Le site du CESU ne permet pas de déclarer spécifiquement ces heures : il oblige à les convertir en heures de travail effectif. Or, plus la rémunération de la présence de nuit est élevée[0], plus le volume d'heures à déclarer va être important. 

Dans ces conditions, le PE peut aisément et légalement dépasser le quota de 200h imposé par le CESU sans pour autant déclencher des heures supplémentaires majorées.

Ces situations touchent particulièrement des personnes en situation de handicap qui salarient plusieurs assistants de vie à temps plein pour répondre à des besoins d'aide humaine 24h/24, 7j/7. Le plafonnement du CESU à 200h normales ne prend pas en considération ces situations et met en difficulté ces personnes quand elles accomplissent leurs obligations administratives d'employeur.

 

Qu'en dit le CESU ?

Plusieurs particuliers employeurs clients du SAAHED nous ont alerté sur leurs difficultés. Nous avons contacté le CESU en leur présentant les situations développées ci-dessus et en demandant quelles solutions étaient envisagées. La réponse a été rapide mais surprenante :

 

Bonjour Madame,

Le dispositif Cesu est un dispositif de simplification mis en place par le réseau Urssaf.

Son but est de permettre la gestion simplifiée en ligne ou sur papier du personnel de maison.

Toutefois, son utilisation simplifiée peut ne pas être adaptée à des situations spécifiques tells que celle que vous décrivez.

Le législateur à ouvert notre dispositif aux cas d'emplois les plus courants pour lesquels la Convention collective s'applique dans le cadre d'heures de travail effectif s'appliquent.

Une tolérance a porté à 200 heures, le nombre d'heures effectives de travail qui peuvent être déclarées.

Dès lors que des heures de nuit, des heures non effectives ou toute autre spécificité intervient dans un contrat, sauf adaptation à la réglementation Cesu, notre dispositif peut ne pas convenir à la déclaration.

Dans ce cas, malheureusement, ce n'est pas à nous d'adapter le principe déclaratif simple du Cesu, mais à l'utilisateur de s'adapter ou d'opter, le cas échéant pour un autre type de déclaration.

Je transmets toutefois vos remarques au service juridique de notre tutelle qui pourra être amené à vous recontacter ou à étudier les aménagements futurs sur notre offre.  

Cordialement.

L'équipe du Cesu.

 

Conclusion : le CESU n'a pas prévu de s'adapter pour le moment et invite à quitter le dispositif CESU !

Les PE n'ont pas d'autre solution que de s'inscrire auprès de l'URSSAF... à condition qu'ils y parviennent. En effet, l'URSSAF a créé le CESU spécifiquement pour les PE et les oriente systématiquement vers ce dispositif, même s'il n'est ni adapté ni obligatoire. Les PE témoignent qu'il est difficile aujourd'hui de s'affilier à l'URSSAF.

 

Qu'en disent les particuliers employeurs ?

Le plafonnement des heures normales à 200h engendre des conséquences non négligeables pour les PE, notamment ceux qui perçoivent la PCH :

- Le reste à charge PCH : la PCH – qui permet de financer les frais d’aide humaine en emploi direct pour les personnes handicapées – ne couvre pas la majoration des heures supplémentaires. La consigne du CESU de déclarer en heures supplémentaires majorées au-delà de 200h génère un reste à charge insupportable pour un public qui vit en majorité sous le seuil de pauvreté.

- La majoration des cotisations à payer : au-delà du cas de ceux qui bénéficient de la PCH, tous les PE sont concernés par le paiement illégitime de cotisations majorées[1]. Cela augmente le coût de l’emploi alors que bien souvent, les PE sont vigilants à ne pas déclencher d’heures supplémentaires car ils n’ont pas des moyens financiers suffisants pour les payer.

- La négation de l’autonomie du PE : l'employeur a l’obligation de déclarer ses salariés et les rémunérations qu’il leur verse. Pour autant, le CESU peut-il contraindre les déclarations, sans justification légale ? Le PE ne devrait-il pas rester libre dans ses déclarations ? Car en cas d’erreur ou de doute, l’URSSAF peut engager un contrôle après que les déclarations sont effectuées. Or, le site du CESU effectue désormais un contrôle en amont et sans fondement légal[2].

- Les risques d’une fausse déclaration : le plafonnement à 200h normales du site du CESU oblige l’employeur à déclarer des heures supplémentaires majorées « fantômes ». Est-ce une fausse déclaration qui peut être sanctionnée[3] ? En cas de contrôle URSSAF, comment le PE peut-il expliquer ses déclarations alors que le site du CESU l’a contraint à déclarer des éléments qui ne correspondent pas à la réalité ? Comment le salarié peut-il faire confiance à son employeur si les déclarations de ses rémunérations ne correspondent pas à la réalité ? Comment le PE peut-il se défendre en cas de litige avec un salarié devant les Prud’hommes ? …

Tous ces éléments peuvent entamer la confiance des PE vis-à-vis du dispositif CESU.

 

Le rôle du CESU en question

Pourquoi mettre en place ce plafonnement à 200h normales ? Comment ce chiffre de 200h a-t-il été déterminé[4] ? ...

Auparavant, le site permettait de déclarer plus de 200h normales en toute simplicité. Mais sous prétexte de simplifier davantage les obligations de déclaration du PE, le CESU semble muter en outil contraignant. Les changements du site internet interrogent l’évolution du CESU : ne devient-il pas un dispositif détaché du cadre légal des PE et de leurs réalités quotidiennes ?

L'exemple du plafonnement des heures normales illustre comment la "règlementation CESU" s'impose progressivement aux PE et supplante discrètement les dispositions de la Convention Collective des Salariés du Particulier Employeur.

 

Finalement, tout ça... pour ça ?!

Depuis des années, l'URSSAF fait pression[5] pour que les PE sortent de l'URSSAF et adhèrent au dispositif CESU, bien qu'il était déjà inadapté. Aujourd'hui, le CESU revendique son inadaptation et invite les PE à l'abandonner pour rejoindre l'URSSAF...

 

Cindy Pouget

 


[0] nous observons que les employeurs ont tendance à mieux rémunérer la présence de nuit que ce que prévoit la convention collective pour rendre le poste de travail "attractif".       [1] du fait de l’obligation faite par le CESU de déclarer des heures majorées au-delà de 200h.       [2] La Convention collective des salariés du PE permet de rémunérer plus de 200h sans majoration.       [3] Le risque semble mineur car la situation est favorable au salarié mais, en cas de fausse déclaration, les sanctions peuvent être prononcées au civil et au pénal. Plus d’info : https://www.cesu.urssaf.fr/info/accueil/s-informer-sur-le...       [4] Par exemple, il ne correspond pas à un temps complet, ni à la durée maximum légale du travail.       [6] Par exemple, des clients du SAAHED ont reçu des courriers de l'URSSAF les informant qu'ils étaient radiés de l'URSSAF et automatiquement basculé vers le CESU alors que c'est illégal (le CESU ne peut être imposé au PE car le salarié doit en être d'accord).

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